La Chèvre de Monsieur Seguin,
M. Séguin n'avait jamais eu de bonheur avec ses chèvres.
Il les perdait toutes de la même façon : un beau matin, elles cassaient leur corde, s'en allaient dans la montagne, et là-haut le loup les mangeait. Ni les caresses de leur maître, ni la peur du loup, rien ne les retenait. C'était, paraît-il, des chèvres indépendantes, voulant à tout prix le grand air et la liberté.
Le brave M. Séguin, qui ne comprenait rien au caractère de ses bêtes, était consterné :
- C'est fini ; les chèvres s'ennuient chez moi, je n'en garderai pas une.
Cependant, il ne se découragea pas, et, après avoir perdu six chèvres de la même manière, il en acheta une septième ; seulement, cette fois, il eut soin de la prendre toute jeune, pour qu'elle s'habitua à demeurer chez lui.
Ah ! Gringoire, qu'elle était jolie la petite chèvre de M. Séguin ! qu'elle était jolie avec ses yeux doux, sa barbiche de sous-officier, ses sabots noirs et luisants, ses cornes zébrées et ses longs poils blancs qui lui faisaient une houppelande ! et puis, docile, caressante, se laissant traire sans bouger, sans mettre son pied dans l'écuelle. Un amour de petite chèvre...
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La Chèvre de Monsieur Seguin, une des nouvelles Des Lettres de mon moulin d'Alphonse Daudet.
Petit Dictionnaire
La chèvre : la capra
Le bonheur : la felicità
Casser : rompere
Le Loup : il lupo
Ils s’ennuient : si annoiano
Joli : carina
La barbiche de sous-officier : la barbetta da sotto ufficiale
Les caresses : le coccole
Les sabots : gli zoccoli
La houppelande : il tabarro
Traire : mungere
Une écuelle : una scodella
Manon
Le samedi, elle ne sortait de la Beaume que vers neuf heures, vêtue d'une robe sombre, sous un chapeau de paille orné d'un ruban, et grandie par des souliers... Sur le bât de l'ânesse, deux ou trois gros sacs tout ronds paraissaient légers, ils étaient gonflés de bottes d'herbes parfumées, dans lesquelles étaient cachées deux ou trois douzaines d'oiseaux morts. Ugolin savait qu'elle allait à Aubagne, mais il était toujours déçu par ce départ. Il la regardait s'éloigner, et descendre vers la foule des villes: alors, il errait dans les collines, sur les sentiers favoris de la bien-aimée, cherchant les traces de son passage: de petites branches brisées, l'empreinte dans le sable d'une semelle de corde, qu'il eût reconnue entre mille, car le talon en était à peine marqué... Puis il s'approchait de la dalle de pierre bleue, qu'il vénérait comme un autel : il la flairait, la caressait, la baisait dévotement... Autour de ce lieu sacré, il avait ramassé quelques reliques: un croûton de pain, un bout de ruban effiloché, et surtout une petite pelote de cheveux dorés qu'elle avait tirée de son peigne.
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Extrait de Manon des Sources deuxième tome de L'Eau des collines - Marcel Pagnol
Petit Dictionnaire:
Samedi : sabato
Une robe sombre : un vestito scuro
Un chapeau : un cappello
Un ruban : un nastro
Les souliers : le scarpe
Orné : decorato
Le bât : la sella
L’ânesse : l’asina
Un sac : un sacco
Paraître : sembrare
Gonfler : gonfiare
Cacher : nascondere
L’oiseau : l’uccello
Déçu : deluso
Le départ : la partenza
S’éloigner : allontanarsi
Chercher : cercare
Les branches : i rami
L'empreinte : l'impronta
La semelle : la suola
Le talon : il tacco
S'approcher : avvicinarsi
La dalle : la soletta
Flairer : annusare
L’autel : l’altare
Le crouton : un tozzo di pane
La pelote : il gomitolo
Le peigne : il pettine